lundi 26 avril 2010

Comics Utopie (2ème partie): Précisions, Rééditions, Wildstorm & Vertigo

Article "Comics Utopie" précédent: Comics Utopie (1ère partie): Introduction & DC Comics

Second article utopiste concernant la place que devrait idéalement occuper les comics dans le paysage français. Je vais tout d'abord résumer brièvement la démarche adoptée ici.

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Je présente dans cette rubrique ce que je considère comme un catalogue idéal des titres, en kiosque. Bien évidemment, le marché et le lectorat actuel ne permet pas que cela soit une réalité, mais une telle démarche permet de fixer un cap, un but ultime vers lequel tendre. Je fixe donc une échelle, le zéro du repère étant "rien n'est publié", le max étant ce qui est présenté ici. Cela me permet aussi de faire un tour d'horizon des publications existantes, ce qui peut donner une bonne représentation du catalogue d'un éditeur au delà de ce qui est proposé en France, ce que les lecteurs non aguerris ont parfois du mal à appréhender dans son ensemble.

S'il y a une amélioration du catalogue vf dans cette échelle, cela ne peut se faire en un jour, c'est une évidence. Tout changement doit être graduel, le lectorat ne pouvant augmenter du jour au lendemain de façon durable.
Pour Marvel, il a fallu beaucoup d'années avant que la ligne "Heroes" ne séduise le lectorat. Depuis le mensuel MARVEL LEGENDS seul en kiosque en 2004, on n'a cessé de grimper dans l'échelle de façon très significative, avec actuellement 3 mensuels Heroes, un bimestriel, 3 trimestriels et de nombreux hors séries.
Pour DC, la tâche s'avère plus difficile puisqu'on est quasiment au plus bas dans l'échelle et le lectorat n'est pas encore très familier de cet univers. Panini a fait un démarrage sans doute trop rapide (3 mensuels & un bimestriel) et ils ont été contraints de faire machine arrière en espérant une évolution plus lente, mais certainement plus constructive. Actuellement, le rythme mensuel est à proscrire et un développement de revues bimestrielles (ou trimestrielles) ainsi que de hors séries est la seule piste envisageable. Le lectorat reste encore à fidéliser et le chemin semble long avant d'y arriver. Panini veut imposer Batman et Superman avant tout, et il faudra du temps avant que le lectorat soit vraiment familier avec tous les personnages DC, que Magog, Power Girl, Jonah Hex, Robin, Adam Strange soient aussi connus que Cable, Ms. Marvel, Punisher, Wolverine ou Nova. Il y a encore quelques années personne n'aurait penser voir une revue Marvel comme DARK REIGN en France, donc tout reste à construire pour DC, petit à petit, pour que le lectorat non intéressé par ces personnages le devienne progressivement.

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Pour le moment, je n'ai évoqué que les parutions kiosque, puisque c'est à mon avis le secteur garantissant les meilleurs prix (la librairie étant proportionnellement 2 à 3 fois plus cher) et qu'il s'agit du mode de publication le plus équitable pour faire vivre l'ensemble d'un catalogue, les séries ayant un fort potentiel commercial soutenant celles plus confidentielles.
Quand par exemple Panini propose en librairie Runaways (les Fugitifs) en DELUXE ou Jonah Hex en BIGBOOKS, autant le dire tout de suite, c'est un énorme risque, voir de l'inconscience. Il faut le dire ces titres sont voués à l'échec en solo, et ne font pas le poids surtout face à des titres/personnages plus connus en rayon.

Si l'on veut s'obstiner à proposer ces séries en librairie, il n'y a pas 36 façons pour réussir à les vendre.

- On peut les brader en proposant des collections au prix plus attrayant. A défaut d'avoir un personnage qui attire le lecteur, c'est le prix qui l'attire. Une telle démarche est une prise de risque non négligeable mais qui peut s'avérer payante. Milady Graphics s'est lancé dans la publication de comics selon cette démarche en proposant des prix relativement bas.

- On peut aussi augmenter la rentabilité de l'album, en diminuant la qualité de l'album ou en augmentant le prix pour palier au manque de lectorat. Cela dit, cela peut aussi aggraver le problème en faisant fuir encore d'avantage le lectorat déjà peu nombreux. On pourrait citer les anciens monsters de Panini dont la qualité n'était pas au goût de tous. L'augmentation peut aussi se faire de façon détournée avec un changement de format ou une pagination revue à la baisse.

Dans un cas comme dans l'autre, c'est risqué et le résultat reste incertain. Rien ne vaut la publication "solidaire" en kiosque.

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Si je me place dans la situation utopiste, le catalogue pourrait être intégralement proposé en kiosque sans nécessiter la présence d'albums complémentaires en librairie (ce qui est le cas aujourd'hui). Se pose cependant la question des rééditions.

Mon avis premier concernant les rééditions serait qu'il ne devrait pas y en avoir. Carrément!
S'il n'y a qu'une seule et unique façon de se procurer et lire une série (en revue en kiosque), le lecteur serait obligé de prendre ce qu'on lui propose de la seule façon dont on lui propose. Il serait donc obligé d'acheter les séries qu'ils ne veut pas acheter a priori et ce serait un mal pour un bien, puisque même si cela peut ne pas plaire à tout le monde, cela garantirait la survie de la diversité du catalogue. Les rééditions permettent de limiter ses achats à une seule série, mais chacun de ces achats d'une série en solo revient à détourner le lectorat des revues (et donc à condamner les séries sans gros potentiel commercial des revues) et de ce point de vue là, cela déséquilibrerait l'offre kiosque que j'ai établi précédemment.

Cette situation "c'est en kiosque et pas autrement" a cependant quelques problèmes comme la non réimpression des parutions, ce qui mériterait d'être corrigé. Cela est franchement utopique, ce secteur ne changera pas ses méthodes, aucune parution kiosque n'étant rééditée en règle générale (je parle de l'ensemble des parutions kiosque ici, même hors comics). Il est cependant possible de surévaluer le nombre de revues produites pour ensuite les proposer sur le marché librairie sous forme de coffrets ou d'albums reliés (à l'image de ce qui se fait pour la revue SPIROU par exemple).

Les parutions librairie sont aussi bien plus rentables pour les éditeurs malgré le fait qu'elles touchent un lectorat moins nombreux. C'est surtout cela qui encourage les éditeurs à proposer des rééditions. Sans parler de l'"image du kiosque" qui se dégrade au fil des années (et les ventes aussi, ce n'est pas un hasard), entre les programmes TV, les torchons people et les revues cochonnes, les comics n'ont pas une place très enviable. Si ça ne dépendait que de moi, je ferais déjà du ménage en kiosque pour rehausser la côte de ce secteur. Il y a encore aujourd'hui de nombreux lecteurs qui ne mettent jamais les pieds en kiosque car ils ignorent totalement que des comics y sont publiés, ou dans le cas contraire, pensent qu'il ne s'agit que de prépublication. Il ne faut pas s'étonner avec tout ça que les éditeurs s'orientent de plus en plus vers le marché de la librairie.

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S'il doit y avoir des rééditions en librairie, la seule façon de ne pas enterrer le kiosque est d'allonger la durée entre la publication kiosque et les rééditions. Plus on réduit ce délai, plus le lecteur peut se dire "j'attends l'album" (puisqu'il sort bientôt) et "je ne prends pas la revue". Dans le cas d'un délai plus conséquent (3 ans me semble un juste milieu acceptable), les rééditions concurrencent moins les parutions kiosque et la situation est différente. Les lecteurs librairie peuvent même devenir frustrés de devoir attendre et prendre l'initiative de suivre les parutions kiosque. C'est une situation plus favorable pour la survie du kiosque.

Si une série devait être rééditée en librairie, cela ne devrait concerner que des séries de grande envergure, les grands runs, aux personnages connus et au dessinateur garantissant de bonnes ventes. Cela ne peut être qu'une sélection, jamais une manière de proposer une série régulière sur la durée. Et de ce point de vue là, je pense que Panini a une bonne politique éditoriale (par contre la réalisation des albums, ce n'est pas ça du tout). Mais ces rééditions doivent se débrouiller en solo, et même dans le cas de grandes séries, le succès n'est pas forcément garanti. Comme toutes les parutions en solo en librairie, c'est du marche ou crève!

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J'ai fait le tour des parutions du DCU dans mon article précédent mais il y a encore d'autres parutions proposées par DC Comics que je n'ai pas évoqué. DC Comics est une pieuvre qui a de nombreuses branches: DC Universe, Vertigo, WildStorm, DC Direct, Minx, CMX, DC Kids, Mad, Zuda. Si on met de côté les branches merchandising, manga et webcomics, il reste des séries pouvant donner naissance à quelques revues supplémentaires.

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MAD est une revue humoristique américaine qui existe depuis 1952. Elle a servi d'inspiration à la revue française Fluide Glacial. Elle est proposée actuellement dans de nombreux pays dont l'Allemagne où Panini la traduit.

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La principale revue DC à ajouter au catalogue kiosque est certainement WILDSTORM UNIVERSE, une seule revue mensuelle permettant de proposer les différentes séries de cet univers. Principalement Authority, Authority: The Lost Year, DV8: Gods&Monsters et Wildcats.
Revue ayant existé en vf ayant la même approche: WILDSTORM UNIVERSE chez Semic et divers autres revues chez eux, Panini ayant opté pour une publication exclusivement en librairie.

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L'univers Wildstorm compte aussi des séries hors continuité, lancées à l'initiative de leurs auteurs (proche de ce que fait Marvel avec son label Icon), comme Ex-Machina, Welcome to Transquility ou les titres ABC de Moore comme Tom Strong ou Astro City, ainsi que des titres issus de jeux vidéo ou de séries tv (Fringe, X-Files, Supernatural, God of War, etc.), de quoi faire 2 mensuels supplémentaires que je pourrais nommer pour schématiser WILDSTORM CREATORS et WILDSTORM SCREEN.
Revue ayant existé en vf ayant la même approche: la revue TOM STRONG/PLANETARY chez Spark. Semic et Panini ayant choisi de surtout proposer Wildstorm en librairie, avec toutes les difficultés que l'on connait pour conclure les séries (comme Promethea ou ExMachina). Des titres issus de séries TV ou de jeux vidéos sont actuellement proposés en librairie par Panini/Fusion.

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Les titres Vertigo peuvent quant à eux donner lieu à 3 revues de 144 pages chacune! Rien que ça!Il est vrai que les séries Vertigo ou Wildstorm (hors Wildstorm-U) sont moins propices à être publiée en revues puisqu'il n'y a pas d'univers partagé contrairement aux titres du DCU ou de Marvel. Cependant ce que j'évoquais précédemment est encore valable, être un titre Vertigo ne garantie pas forcément de bonnes ventes, comme le prouvent Loveless, American Virgin, Exterminator ainsi que toutes les séries qui ne sont pas publiées chez nous. Il y a des titres phares qui devrait (théoriquement) jouer le rôle de moteur pour ces revues, comme Hellblazer, Northlanders, Fables, DMZ ou Scalped. La composition de ces mensuels 144 pages serait par exemple la suivante (si l'on considère les parutions du moment):

VERTIGO HORROR contenant Hellblazer, Northlanders, House of Mystery, Madame Xanadu, American Vampire, iZombie.
VERTIGO TALES contenant Fables, Jack of Fables, The Unwritten, Sweet Tooth, Joe The Barbarian, Demo v2.
VERTIGO STORIES contenant DMZ, Scalped, Unknown Soldier, Air, Greek Street, Daytripper.

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Un prochain article Comics Utopie sera évidemment dédié aux titres publiés par Marvel Comics, mais il y a une vague de changement en vo ces derniers temps, difficile de faire des propositions optimales dans ces conditions! Cela me prendra certainement un peu plus de temps que prévu! Et pourquoi pas évoquer Image Comics tant que j'y suis?

5 commentaires:

Kiwi Kid a dit…

Tes articles "catalogues utopiques" sont vraiment très intéressants ! tu prends vraiment bien en considération tous les aspects.

Là où je ne te rejoins pas, c'est sur la librairie: quand on aime le livre en tant qu'objet, devoir diviser l'histoire en plusieurs mensuels fait mal. Mettons que je sois fan de "X" dans la revue "X, Y et Z", mais je n'aime pas du tout Y et Z. Je n'achète pas la revue à 5€ pour n'en lire que 22 pages, et je dois attendre 3 ans pour le TPB dont je connaitrai déjà la fin et les retournements de situations puisqu'en 3 ans les gens en auront parlé. Ton idée du "tout Kiosque" est intéressante mais des titres en souffriraient forcément, tout comme certains souffrent de n'être qu'en librairie.

Je ne pense pas que tu puisses "forcer" les gens à aimer les séries. Si la majorité du magazine ne leur plait pas, les gens arrêtent de l'acheter.

yannzed a dit…

Je comprends tout à fait ton point de vue.

Cela me fait penser que je n'ai pas trop développé un point dans mon approche. Au fil des années, Panini a fait une croix sur les mensuels 48 ou 80 pages (2 ou 3 séries) car la diversité de ces revues était insuffisante pour intéresser suffisamment de lectorat. Wolverine étant évidemment une exception (car c'est Wolverine). Plus le sommaire des revues est varié, plus le nombre de séries susceptibles de fidéliser un public est grand. C'est pour cela que j'ai proposé des revues de 5 ou 6 séries, puisque dans le lot, tout le monde a plus de chances d'y trouver son compte. Dans ces conditions, que l'on soit "fan de A, mais pas du tout de B, C, D et E" a moins de chances d'arriver. Et même s'il n'y a que A qui intéresse le lecteur au départ, les chances qu'une autre (ou plusieurs) des 4 séries lui plaise ne sont pas négligeables.

Il reste la problématique du livre en tant qu'objet "qui a une bonne gueule dans la bibliothèque". Certains lecteurs sont soucieux de cela, j'en suis conscient et je ne prends pas trop cela en compte ici, mis à part dans les rééditions tardives qui sont là pour eux. Je vois surtout qu'il s'agit d'un lectorat minoritaire (d'où ces rééditions tardives). Les revues kiosque tirent à beaucoup plus d'exemplaires que les albums librairie, je privilégie donc le marché pouvant toucher un public plus large. Là où, et c'est tout le paradoxe aujourd'hui, Panini privilégie surtout le marché le plus petit (librairie) car étant le plus rentable.

Kiwi Kid a dit…

De toute façon, vu que chaque série a son propre rythme de sortie aux USA, dans ton système tu peux aussi jouer sur des numéros spéciaux "arc complet" comme le fait Panini depuis peu, grâce au nombre de pages. Mais, 'sûr que ça présente moins bien dans une bibliothèque...

Karibou a dit…

Moi je pense surtout que le catalogue vertigo ne devrait pas être attribué d'un bloc avec le système de license. Je crois que beaucoup de séries trouveraient leur place dans les catalogues des éditeurs plutôt orientés franco belge d'habitude tant la lecture d'une série vertigo peut séduire un public traditionnel de la bd en france.

Publier Vertigo en revue n'est pas une mauvaise idée en l'état actuel des possibilités liées à la license mais je l'aurais mauvaise de ne pas disposer de recueils pour certaines séries tout de même.

yannzed a dit…

@Kiwi-Kid: Une remarque fort juste. Je développerais dans mon prochain article mon avis détaillé concernant la mise en place d'une publication par story-arc. Parfois c'est judicieux, parfois non. (A suivre...)

@Karibou: Il est vrai que l'attribution exclusive d'un catalogue à une seul éditeur français (que ce soit Vertigo ou une autre maison d'édition) n'est pas une bonne chose. Il doit y avoir des séries qui intéresseraient d'autres éditeurs dont Panini n'en a rien à faire et ne souhaite même pas les proposer en vf, question de "priorité"! La faute aux éditeurs US de vendre leurs séries par lot.